7 déc. 2010

WeRunTheTown et François Girbaud: l'interview.



Rendez-vous à la boutique M+FG, située au 38 rue Etienne Marcel, dans le 1er arrondissement de Paris.

A peine arrivé, des caméras sont déjà présentes: celles de BFM TV me dit on.
Notre tour arrive, Monsieur Girbaud également. Entrée en matière. Il me dit:

"-FG- Alors comme ça c'est toi qui raconte des conneries sur moi?

-Igor- Oui c'est bien moi.

-FG- Aah t'as bien aimé le défilé c'est sympa! C'est bien d'avoir remarqué les baskets tu vois, y en a pas beaucoup dans ton cas."

Nous nous installons, discutons un peu. Monsieur Girbaud a donc vu l'article qu'on a fait sur son dernier défilé. Et je crois qu'il a bien aimé...


Nous lui expliquons le principe de notre blog et notre mode de fonctionnement.
Enfin, j'active mon dictaphone, et nous commençons...


Le dictaphone? Mon Blackberry, que vous apercevez sur la table.

Sous la houlette de Mme De Lamarzelle, directrice communication de M+FG.

" -Igor- Alors tout d'abord Monsieur Girbaud bonsoir, et merci de nous accueillir dans votre boutique.
-FG- Bonsoir et merci à vous.

-Igor- Mr Girbaud j'aimerai vous demander: aviez vous un rêve ou une ambition particulière lorsque vous vous êtes lancés dans la création? Si oui pensez vous l'avoir atteint? Ou en êtes vous proche, ou encore loin?

-FG- Oui oui tout à fait. Je voulais être un cowboy! Mon rêve était d'aller en Amérique et d'être cowboy, mais je voulais pas me faire chier dans un ranch -Rires- Oui il y avait un rêve, mais c'était pas un rêve de fringues. C'était le rêve américain. On était fortement influencé par ce qui se passait aux Etats-Unis, il y avait la musique et le rock & roll. Comme aujourd'hui avec tout ces jeunes qui portent du Carhartt et des Vans, qui écoute du rap et du hip hop américain, c'est pareil. Notre génération, on en a prit plein la gueule! Et le jean à la base, c'était un bleu de travail, le vêtement de la working population. Alors quand nous on est arrivé, on a transformé la chose. On a fait l'effet d'une bombe à l'époque! Avec les braguettes apparentes, les gens nous ont pris pour des fous, des vrais martiens, ça n'existait pas. C'était le début des années 70, et très rapidement, on y arrive. A partir de ce moment là, c'est l’Amérique qui nous regarde. Et en 72, c'est tout le monde qui porte des jeans. Le jean et le denim existaient déjà avant nous, avec Wrangler entre autres. Mais on en a fait autre chose. Les gens et la rue se sont emparés du truc, et en ont fait ce que c'est aujourd'hui. On s'en est rendu compte plus tard. Et aujourd'hui on est bien au delà du rêve.


-Igor- De vos débuts à aujourd'hui, qu'est ce qui a changé dans votre personnalité et votre processus de création?

-FG- Déjà on est plus conscient des problèmes du monde. On a plus conscience des problèmes politiques et environnementaux.

(Ces images pour preuves...)

Automne/Hiver 2007: Peace Is A Fight.
Printemps/Été 2007. 

Printemps/Été 2010.

Printemps/Été 2010.

Et ça influence notre mode de procédure. Le jean qui était symbole de liberté, est en fait l'un des plus gros merdier responsable de la pollution. Quand on a invité le Stonewash (technique permettant de donner au jean un effet délavé grâce à l'eau et la pierre), on utilisait beaucoup d'eau et d'acides dans la fabrication industrielle. Mais on ne savait pas que c'était nocif. Après ça j'ai travaillé que sur du naturel, on a bossé le pétrole. Ensuite, j'ai pris de l'âge, j'ai mûrit, et ça s'est ressenti dans mon travail. Moins peur d'oser, moins timide. Je connais mon métier. Quand je fais quelque chose j'y vais, et j'assume. Avant j'assumais aussi, mais on était plus dans la provocation, dans la revendication.


-Igor- La campagne avec La Cène, c'était une provocation?
(La Cène, célèbre tableau de Leonard De Vinci, représentant le dernier repas du Christ avec ses apôtres, repris par M+FG).

Le tableau original...
... repris par Marithé + François Girbaud

Non, à la base pas du tout. Ici le message qu'on veut faire passer, c'est que si les apôtres avaient été des femmes, le monde serait différent. C'est notre logique à ce moment là, et on réfléchis à ce que serait le monde si les apôtres étaient des femmes. Si on aurait eu les mêmes problèmes, de paix, d'environnement, de proximité entre les gens. On pensait même pas faire un carton avec ça. Avec l'homme de dos, on nous a dit "C'est une provocation, il se masturbe!" Mais PARDON?? Puis quand l'Eglise nous a appelé, on leur a dit qu'ils allaient nous faire de la pub en en parlant et qu'il fallait mieux "étouffer" l'affaire, ne pas trop l'évoquer. On est allé jusqu'aux procès: on en a gagnés, on en a perdus, mais au final, on leur a quand même bien servi. Et eux aussi nous ont bien servi! Ça nous a pas fait du tort. Mais on a rien fait de blasphématoire.


-Igor- Je tiens encore à vous féliciter pour votre dernier défilé, auquel j'ai eu la chance d'assister. Dites nous, comment vous le vivez vous de votre côté?

-FG- Mal. Très mal!

-Igor- A ce point là?

-FG- Sur le moment j'ai trouvé que c'était un défilé de merde! J'ai pas aimé. Mentalement, j'étais déjà dans la prochaine collection. Ces moments là sont très difficiles pour moi. Il y a quand même eu un changement, avec des jeunes comme toi qui s'y sont intéressés, on a bousculé quelque chose. Mais bon, parler de ce défilé là, c'est dur. Je préfère le prochain déjà -Rires-! C'est comme ça que je fonctionne, j'aime pas trop le présent. Tu m'aurais posé la question quand on a fait le baggy, tu aurais eu la même réponse. Tu sais je préfère de loin rencontrer quelqu'un qui marche dans la rue, qui porte un vêtement à nous, sans savoir qui je suis, et qui est heureux. C'est mieux, que toutes ces gonzesses qui marchent sur un podium, ça fait fabriqué. Mais elles étaient heureuses je crois non?

-Igor- Oui oui, elles bougeaient et tout, posaient devant le mur de photographes. Elles étaient vivantes!

(A revoir ici...)

-FG- Oui voilà donc quand même mais bon. On est toujours obligé de casser les moules. Déjà les mannequins ne marchaient pas comme des chevaux, parce que leurs chaussures étaient bien, toi tu as vu les sneakers c'est bien, y en a pas beaucoup qui ont remarqué. Un défilé en fait, c'est pas grand chose, c'est une des étapes.


-Igor- Est ce que vous regardez ce que vos collègues font? Et est ce que vous portez autre chose que du Marithé + François Girbaud?

-FG- Aujourd'hui je suis en North Face parce qu'il fait vraiment froid! Je reviens du Pérou, du Machu Picchu, et je caillais donc j'ai acheté ça.


Puis mes chaussures, elles sont japonaises.


Et le pantalon c'est le mien, mon tee shirt aussi. Je porte pas beaucoup les vêtements des autres. Certaines vestes parfois. En pantalon je porte toujours les miens. J'ai du mal à trouver les fourches et les volumes que je recherche. Mais c'est triste en fait. Dernièrement je suis allé à Saint Martins School, et en mode, sur tout les élèves, il y en a aucun qui présente l'histoire des pantalons. Et même le directeur de l'école me l'a confirmé. En histoire de la mode, il en traite deux types, et le jean. Et ça leur prend trois jours. C'est dommage. Par contre les conneries de robes de cocktail, ils en ont pour toute l'année!


-Igor- Dans mon entourage, j'ai pas mal d'ami(e)s qui aimeraient devenir des créateurs à succès, comme vous. Quels conseils pourriez vous leur donner?

-FG- "Je veux être créateur à succès" moi j'y crois pas. Et c'est pas comme ça que ça marche. Je ne crois pas que ça s'apprend à l'école. Giorgio Armani, Gianni, ils se sont pas dit "Je veux être Armani!" ou "Je veux être Versace!" Aujourd'hui il y a toute une vague de directeurs artistiques qui arrivent de grandes écoles de style ect, ils m'impressionnent pas beaucoup. Je trouve qu'ils travaillent beaucoup de la photocopieuse, qu'ils sont distants dans leur boulot. De vrais créateurs au sens innovateur,  j'en connais peut être 10 dans le monde. Y a plus d'industrie textile en France. On est tous allé en Italie dans les années 80, et l'industrie italienne souffre aussi. Aujourd'hui on travaille beaucoup avec le Maghreb, mais au final on sait qu'on ira tous en Chine. Déjà Alexander Wang, Phillip Lim, ce sont des chinois. Ils sont supportés par le ghotta américain à la con, mais qu'est ce qu'ils apportent? Moi je sais pas, j'attends pour le moment. Un vrai créateur, c'est un créateur et un innovateur au niveau textile! Le prochain grand créateur, il sera chinois ou indien. C'est une autre culture qui va arriver, et c'est ce dont on a besoin.


-Igor- Dernière question: quel regarde portez vous sur l'ensemble de votre carrière? Vous considérez vous comme un artiste?

-FG- Non je dirais pas un artiste, plus un chercheur ou un inventeur. Si j'étais artiste je serai fauché, je serai pauvre, drogué, peut être à la rue. Non moi ça va bien!! -Rires- Ensuite Marithé et moi, on est un couple qui fonctionne depuis plus de 40 ans. On a laissé une sacrée trace.

Marithé et François Girbaud, un couple qui marche depuis plus de 40 ans...

Les gens s'en rendront peut être compte quand on ne sera plus là c'est pas grave. Une fois j'étais à Chicago, il y avait un mère et son bébé et elle me disait 'Touche mon enfant!" Je lui ai répondu "Comment il s'appelle?" et là elle me répond "Girbaud!" Là je me dis qu'on a peut être fait quelque chose de bien. Voilà le regarde que je porte sur notre oeuvre. Maintenant on attend de voir la suite.


-Igor- Merci beaucoup Monsieur Girbaud d'avoir bien voulu répondre à nos questions.

-FG- Merci à vous les jeunes!

François Girbaud & Igor.

Francois Girbaud & Dahnne.


L'interview à peine terminé, il s'envolait pour l'Italie...

Use Light. Save Water. 

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